Les émotions dans un roman

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Avez-vous déjà réfléchi à ce qui subsiste en nous des romans que nous avons lus ?

Ce sont rarement tous les rouages de l’intrigue en elle-même.

Ni les détails des actes des personnages.

Non, ce qu’on retient une fois le livre refermé, quand les semaines, les mois passent, ce sont les éprouvés.

Nous gardons l’empreinte du « bain émotionnel ».

Comme le dit l’écrivaine américaine Maya Angelou : « Les gens oublieront ce que vous avez dit, ils oublieront ce que vous avez fait, mais n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir. »

Une erreur de débutant(e)

Quand on débute en tant qu’auteur.e, on s’imagine parfois qu’il suffit de décrire l’état émotionnel d’un personnage pour amener notre lectorat à ressentir la même chose.

« Mon barrage interne se rompt et une tristesse incommensurable me submerge, les larmes débordent sur mes joues », etc.

Cela a, bien sûr, son intérêt, mais en n’utilisant que cet angle de vue, nous stagnons un peu au rez-de-chaussée du processus. 😉

En réalité, le cœur du sujet, en matière d’émotions du lectorat, c’est l’empathie ressentie pour le personnage et l’identification à ce dernier ou aux thèmes qui le travaillent.

Ce qui produit l’émotion dans un roman

Comme le dit Vincent Jouve dans son ouvrage « Pouvoirs de la fiction » : en lisant, « il se produit une sorte de “transfert affectif ” : on est ému comme on le serait si on était confronté à de telles situations dans la vraie vie. Ce n’est donc pas le récit qui produit l’émotion, mais notre mémoire. »

C’est là LE point important : ce n’est pas votre récit en lui-même qui génère l’émotion.

C’est la mémoire de vos lectrices et lecteurs, la mobilisation de leurs propres souvenirs.

En d’autres termes, la résonance.

Le concept est large : il n’est pas nécessaire que les personnes qui vous lisent aient vécu des événements identiques, elles peuvent simplement convoquer des réminiscences d’expériences comportant des similitudes.

Prenons par exemple, le roman « Va où le vent te berce », de Sophie Tal Men, qui met (notamment) en scène un jeune homme, Gabriel, berceur bénévole de bébés à l’hôpital.

En faisant connaissance avec ce personnage, on peut être émue parce qu’on est maman.

Ou parce qu’on a été hospitalisé, étant petit.

Parce que notre cousin a eu un bébé prématuré.

On peut être émue de voir un homme introverti prendre soin des nouveau-nés, leur témoigner de la douceur.

Etc.

Toute une gamme de résonances est possible.

Et l’un des secrets pour renforcer cette résonance, c’est d’utiliser la notion de proximité.

En psychologie, il s’agit d’un fait démontré : dans la vie réelle, un événement nous touchera d’autant plus qu’il concerne l’un de nos proches.

Un accident de voiture nous perturbera plus s’il s’est produit au coin de notre rue (proximité spatiale).

C’est valable aussi pour la proximité temporelle : entre deux catastrophes de gravité équivalente, nous serons plus remué.e.s par la plus récente.

Et c’est extrapolable à la lecture : plus nous nous sentons proches du personnage, plus nous éprouvons de la sympathie, de l’empathie pour lui, plus ce qui lui arrive sera susceptible de nous émouvoir.

Alors, bien sûr, on peut démarrer un récit sur les chapeaux de roues, avec un suspense haletant.

Mettre en scène une personne claustrophobe coincée dans un ascenseur et susciter de l’angoisse.

Une jeune fille en train de fouiller l’appartement de son ex-petit ami et générer de l’inquiétude.

Narrer une agression violente, source de dégoût.

Ou encore poser une atmosphère joyeuse en décrivant des sentiments légers, en usant du champ lexical de la gaieté.

Mais pour aller vraiment en profondeur, pour toucher les gens avec plus de force, il faut prendre son temps.

Ne pas traquer l’émotion en elle-même, mais laisser mûrir le terreau sur lequel elle germera spontanément.

Montrer par petites touches tous les ressorts des obstacles, du désir, des conflits.

Nuancer votre héros ou héroïne, utiliser ses vulnérabilités et ses qualités de cœur, ses interactions, ses doutes, ses difficultés…

L’idée maîtresse, c’est de tricoter patiemment des liens d’attachement entre vos personnages et vos lecteurs.trices.

Ainsi, ces derniers n’oublieront pas ce que vous leur avez fait ressentir. 😊

Je vous souhaite de belles avancées sur votre chemin d’écriture.

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