Il existe en gestalt-thérapie (le courant de psychothérapie auquel je me réfère dans ma pratique) un concept appelé “la pacification prématurée des conflits”. Il s’agit, pour le thérapeute, d’être attentif à ne pas toujours vouloir rassurer immédiatement, pacifier trop rapidement les moments de crise. Traverser les crises, le chaos (avec un soutien suffisant, dans la sécurité du lien thérapeutique) peut aider le patient à comprendre ce qui se joue, à mobiliser à ses ressources, stimuler sa créativité, construire du neuf.
J’aime bien transposer cette idée à l’écriture, pour soutenir la tension narrative (avec une intentionnalité tout à fait différente, bien sûr, puisque l’auteur “s’amuse” à mettre des bâtons dans les roues de ses personnages). C’était l’un de mes travers, à mes débuts : j’avais tendance à vouloir arranger les choses trop rapidement pour mes personnages, à pacifier prématurément les conflits. Je ne les laissais pas suffisamment séjourner dans leurs problèmes.C’est, entre autres, avec mon éditrice jeunesse, chez Rageot, que j’ai réfléchi de façon approfondie à la nécessité de multiplier les obstacles, de ne pas donner trop vite aux personnages ce qu’ils désirent, de les laisser traverser suffisamment longuement leurs états émotionnels douloureux. Cela crée une attente chez le lecteur, fait le sel de l’histoire.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce que cela vous parle ? En tant qu’auteur(e), avez-vous tendance à être trop gentil(le) avec vos personnages ?