“Show don’t tell” est un principe narratif attribué au dramaturge russe Anton Tchekhov, qui aurait dit : “Ne me dites pas que la lune brille, montrez-moi le reflet de la lumière sur du verre brisé.”
Comme le nom du procédé l’indique, il s’agit de montrer (show), les choses, plutôt que de les dire, les synthétiser ou les analyser. Donner à ressentir plutôt qu’énoncer, fournir une matière brute, vectrice d’images mentales que le lecteur va passer au prisme de son vécu, interpréter, laisser résonner en lui. Cela suscite des émotions et crée une expérience immersive au cours de laquelle le lecteur vit l’histoire, ressent les ambiances. C’est aussi un moyen de susciter l’empathie et favoriser l’identification au personnage.
On peut l’utiliser pour montrer (show) :
- le caractère d’un personnage
- son état psychique
- ses problèmes
- ses schémas répétitifs
- ses relations aux autres
- l’ambiance d’un lieu, etc…
Concrètement, il faut faire appel aux cinq sens du lecteur, raconter les actions des personnages, décrire les scènes en détail de façon (apparemment) neutre sans apposer trop rapidement d’étiquette sur ce qui se déroule. On peut aussi employer cette technique dans un dialogue (en jouant sur le type de vocabulaire employé, le niveau de langage, le ton, l’expression émotionnelle…) ou dans un paragraphe retranscrivant les pensées du personnage en italique.
En voici quelques exemples, tirés de mes textes :
- Au lieu de faire dire au personnage : “Je fais une crise d’angoisse”, je vous le montre (show) : “Une sueur glacée perle sur mon front, j’ai la nausée, le vertige. La colonne d’air dans ma gorge se rétrécit en un filet douloureux, l’oxygène me fait défaut. Mes jambes ne me portent plus. Je m’écroule sur un banc, asphyxiée, les mains moites, le cœur battant à tout rompre.”
- Autre exemple : Tell : “il se laisse sombrer dans la dépression”. Show : “Le lendemain matin, je le retrouve assis près de la fenêtre, les yeux dans le vague, toujours apathique, vêtu des mêmes habits, l’ombre d’une barbe de trois jours sur le visage. Il a passé l’après-midi d’hier cloîtré dans sa chambre.”
- Ou encore : Tell : “Avec les enfants, je n’ai pas pris le temps de m’habiller correctement aujourd’hui”. Show : “Je parade en tee-shirt de pyjama informe, veste polaire griffée “Déligel”, legging mou, sous-vêtements dépareillés, chaussette de sport sur un pied, soquette rose sur l’autre, le tout engoncé dans une paire de mules fourrées”.
Je trouve intéressant le fait de s’exercer à repérer ce principe narratif dans un texte, en portant notre attention sur ce que cela nous amène à ressentir, sur nos émotions, le déploiement de notre imaginaire ou de nos rêveries. En bref, d’observer la latitude que nous laisse l’auteur et l’intensité avec laquelle nous nous immergeons dans l’histoire.
Bien sûr, comme pour toute technique, tout est question de dosage. Il faut utiliser ce procédé à bon escient, pour ne pas plomber le récit. Le “tell” n’est pas à bannir, on a parfois besoin de faire des ellipses, d’avancer plus rapidement sans s’appesantir sur certaines scènes. C’est cet équilibre qui donne du rythme et de l’intensité au roman.
Qu’en pensez-vous ? Connaissiez-vous ce concept ? L’utilisez-vous ?