Révolutionner le monde des tartes
Lorsque vous invitez vos amis à manger, et que vous avez très envie de leur préparer une tarte aux framboises, vous ne renoncez pas à votre élan sous prétexte que ce n’est pas original.
Vous n’avez pas pour objectif de révolutionner le monde des tartes, vous ne vous dites pas « je ne vais rien leur apporter de neuf en pâtisserie, il vaut mieux se passer de dessert ».
Vous savez que vos amis seront heureux de déguster ce gâteau, qu’ils découvriront avec joie et enthousiasme la façon dont vous avez préparé la pâte, ajouté des zestes de yuzu dans la crème pâtissière, le plat en porcelaine que vous avez choisi, qu’ils apprécieront l’ambiance à votre table, la musique, qu’ils se souviendront de la conversation et des émotions qu’ils auront ressenties.
En littérature, c’est la même chose.
Parfois, une idée de roman nous vient, et nous la balayons d’emblée, par peur de manquer d’originalité.
Nous aimerions écrire une comédie romantique sur le mariage, un roman de fantasy mettant en scène des éleveurs de dragons, un livre jeunesse sur une princesse badass (je vous laisse insérer ici votre propre “poncif” 😉), mais nous nous réfrénons, sous prétexte que ces thèmes sont vus et revus.
Or, comme le dit très bien Martin Winckler, “l’originalité est un fantasme”.
Depuis l’invention de l’écriture en Mésopotamie il y a 5000 ans, on peut considérer que toutes les thématiques existantes ont été abordées.
Spoiler alert : le thème de votre roman ne sera pas original.
Mais votre histoire, elle, le sera.
Car oui, tout a déjà été raconté, mais jamais à votre manière.
Vos personnages, votre univers, votre style, vos choix narratifs, votre décor, les détails que vous retranscrirez, votre façon d’amener les événements, etc. sont uniques.
Et nous aimons tous entendre des histoires sur des sujets universels, dès lors que le récit est captivant, et d’autant plus si le narrateur sait nous prendre par la main pour nous emmener dans son monde singulier.
Si la peur de ne pas être original(e) vous taraude, voici quelques questions que vous pouvez vous poser :
Quels éléments pourraient être inattendus lorsque je prends pour thème central un sujet « banal » ?
Puis-je imaginer un personnage aux antipodes des classiques du genre ?
Puis-je creuser plus loin que la première idée qui se présente, voire renoncer à des pistes qui me paraissaient au départ séduisantes, pour être plus novateur.trice ?
Quels détails puis-je introduire pour instiller du décalage ?
M’est-il possible de prendre le contrepied de certaines caricatures ?
Quelle forme narrative inattendue puis-je adopter ? (des flashbacks, des intermèdes épistolaires, une alternance de points de vue, etc.)
Etc.
Penser notre écriture
L’une de mes formatrices en Gestalt-thérapie disait souvent que l’important est de “penser notre pratique”, et j’aime beaucoup l’idée, de la même façon, de “penser notre écriture”, réfléchir à ce que nous amenons à la conscience de nos lecteurs, à l’expérience que nous avons envie de leur faire traverser.
Souvenons-nous que, de même qu’il nous faut des ingrédients et une recette pour notre tarte, nous ne créons jamais à partir du néant, mais depuis ce que nous sommes, nos fondations, notre vécu.
Que, comme le dit Claude Simon : « Nous sommes les héritiers de tous les écrivains qui nous ont précédé ».
Et ne renoncez pas à votre projet… 😊
PS : mes meilleurs conseils d’écriture sont dans mes e-mails privés (abonnement gratuit et sans spams).